PA99Ambigüe, ambivalente, humaine, sociale, économique, financière...

La dette exprime le rapport universel "créancier-débiteur" dans la relation des hommes entre eux.

La dette et l'entreprise

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La dette fait partie intégrante de l’entreprise. Elle est à la fois un moyen de développement au travers des possibilités de financement qu’elle offre (investissements, stock, fonds de roulement, recherche et développement…) et un danger pour les entreprises qui ne parviendraient pas à maîtriser leur taux d’endettement.

Chez de nombreux dirigeants, le montant de la dette ou le taux d’endettement représente souvent un choix cornélien.

Les entreprises font souvent appel à la dette pour financer leurs opérations stratégiques lorsqu’elles ne disposent pas de suffisamment de capitaux disponibles ou plus simplement comme outil de gestion financière. Dans ce cas, on distingue souvent les dettes selon leur niveau d’exigibilité : les dettes court terme qui servent à financer le cycle opérationnel appelé aussi « besoin en fonds de roulement ». Les dettes à moyen et long terme pour financer les investissements.

On entend par « dette » les emprunts auprès des partenaires bancaires, mais aussi l’ensemble des dettes que l’entreprise sera amenée à rembourser dans le cadre de son activité : Dettes d’exploitation à court terme (crédits fournisseurs), Comptes courants d’associés (dettes aux associés), Dettes bancaires à court terme (prêts court terme, ouvertures de crédit, billets de trésorerie…), Dettes à long et moyen terme (emprunts de plus d’un an).

Pour connaître la situation financière d’une entreprise on étudie sa structure financière c’est-à-dire la répartition entre les dettes et les capitaux propres au passif du bilan. Pour cela, il faut calculer des ratios et des taux d’endettement qui permettent de comparer l’entreprise à d’autres entreprises similaires (secteur d’activité, taille, ancienneté…). L’analyste financier qui souhaite se faire une idée sur la santé de l’entreprise doit juger de l’équilibre entre l’endettement et les capitaux propres ; car l’endettement n’est, à la base, pas néfaste puisqu’il permet à l’entreprise de se développer. C’est l’excès d’endettement ou de surendettement qui pose problème. Lorsqu’une entreprise dispose d’opportunités (nouveaux marchés, nouveaux chantiers, lancement de produit…) elle peut recourir au financement de son développement par la dette. Si le taux de rendement de l’investissement est supérieur au coût de l’endettement, celui-ci permet d’augmenter les revenus d’exploitation et donc le rendement des capitaux propres, c’est ce que l’on appelle « l’effet de levier ».

L’enjeu majeur ne se situe pas dans la qualité du projet, même s’il paraît être une excellente affaire, mais sur la justesse et la pertinence du prévisionnel financier. L’endettement augmente la rentabilité des capitaux propres lorsque l’activité induite est « porteuse ». Si, au contraire, le prévisionnel a été surévalué et que l’activité est plus faible que prévue, le niveau de cette dette dégrade alors la performance des capitaux propres.

Il est évident que l’effet de levier a ses limites. Le niveau de risque apporte une limite qui s’apprécie différemment selon la nature des dossiers. Les ratios financiers apportent des informations qui permettent aux partenaires financiers d’évaluer le risque et de se prononcer par rapport au dossier. Pour réduire le risque il faut le répartir en modifiant la durée et/ou la rémunération de la dette, en réduisant l’exposition au risque par des systèmes de garanties (cautions, fonds de garantie…).

Il n’existe pas de règle quant au niveau d’endettement acceptable qui est différent pour chaque dossier et chaque secteur.

Lors d’une création d’entreprise, les financiers misent d’avantage sur la personne que sur le projet.

D’une manière générale, lors d’une création, les banquiers demandent une participation du créateur pour environ un tiers du financement ; pour les autres types de projets, il est beaucoup plus difficile de se prononcer.

Rapport de pouvoir !

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« … On en vient maintenant à ce moment dramatique de l'endettement où demeure l'obligation de payer quand on en a plus les moyens.

La dette impayable ne brise-t-elle pas irrémédiablement la logique échangiste ? Elle engendre une forme de lien social qui paraît irréductible à l’échange et se fonde sur un rapport de forces aliénant. Le rapport créancier-débiteur manifeste une inégalité de pouvoirs qui peut se transformer à tout moment en abus de pouvoir. Ce n’est plus la raison ou le crédit mais la cruauté qui détermine alors le rapport créancier-débiteur. La cruauté entraîne les deux contractants dans un rapport de violence qui n’a pour issue que la mort de l’un ou de l’autre.

La situation de dépendance est pour le créancier l'occasion d’exercer sa puissance en profitant de la faiblesse de son débiteur. Le créancier tend facilement à devenir un tyran, quand les limites du contrat  ne sont pas fixées à l'avance et reposent sur une raison qui est l’expression d'un désir de puissance à peine dissimulé. Le débiteur devient le vassal d'un autre qui le soumet à sa loi et l'oblige à renoncer à vivre par et pour lui-même. Dans la définition du rapport créancier-débiteur, le débiteur apparaît le plus souvent lié, assujetti et le créancier, puissant, menaçant.

Cependant en insistant sur l’asservissement du débiteur, on relativise la situation de dépendance dans laquelle se trouve aussi le créancier. La dépendance est en effet permutable selon les enjeux de la dette. Si le montant de la dette est faible par rapport au patrimoine que possède le créancier, c'est le débiteur insolvable qui se trouve en situation d'asservissement. Mais si le montant de la dette est élevé, le créancier devient l’otage du débiteur insolvable. Il est vrai que dans le contrat qu’il passe avec son débiteur, le créancier pour diminuer ses risques d'assujettissement et recouvrer sa créance a recours à des droits de gage, des garanties qui lient doublement le débiteur. Dans tous les cas, la dépendance qui fonde le rapport créancier-débiteur rend impossible le rapport éthique, elle-même à l’origine de la pire des aliénations. »

Nathalie Sarthou-Lajus « L’éthique de la dette »

La dette... familiale !

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« … La dette familiale ne peut pas se régler simplement de façon économique et juridique. Elle est difficile à évaluer car immergée dans la valeur des liens affectifs,

aussi la tentation de surenchère est-elle grande. La difficile évaluation de la dette familiale tient en échec les rapports de justice et est à l'origine des conflits et d'une culpabilisation infinie. Lors d'un héritage ou d'un divorce, les disputes ne portent pas tant sur les biens matériels ou sur l'argent à partager, car à travers les biens ce sont les sentiments qui sont évalués, les personnes qui s'éprouvent, les vieilles rivalités et les blessures de l'enfance qui réapparaissent. La dette relève alors d'une logique affective qui risque de la rendre impayable, elle met en jeu des rapports d'emprise qui manifestent la volonté de tenir l'autre quand le lien menace de se rompre. L’intervention d'un tiers, par exemple d'un juge ou d'un psychologue, est parfois nécessaire pour que la relation familiale ne s'enferme pas dans une relation duelle créancier-débiteur déterminée par le conflit. … La dette familiale est enfin essentiellement une dette de mémoire. Garder la mémoire de ses origines, c'est faire acte de reconnaissance, rendre hommage à tous ceux qui nous ont précédé et soutenu dans notre histoire personnelle. Chacun peut s’acquitter de cette dette de mémoire et assurer la sauvegarde d’un lien entre les générations par la médiation d’une parole capable de raconter ce qui s’est passé, de mettre des mots et du sens sur un passé aussi douloureux et complexe soit-il. Transmettre, c’est donner des paroles à vivre, des paroles placées opportunément sur des souffrances restées sans voix. Le lien familial meurt quand il n’est plus soutenu par une mémoire vivante, dans ces familles où depuis longtemps déjà on ne parle plus. » Nathalie Sarthou-Lajus Eloge de la dette