photo oser negocierDes lignes, courbes ou droites,

Des directions opposées,

Des arcs brisés, fragmentés,

Des aplats se désagrégeant...

 

Voilà, représenté par Valéry Kandinsky,

Un processus de négociation

Relation de pouvoir... échange négocié d'engagements

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« … Dans la mesure même où une relation de pouvoir n'est pas imposition unilatérale d'une volonté, mais bien un échange négocié d'engagements dans un contexte d'interdépendance, elle ne peut se penser que dans une réciprocité qui s'incarne à son tour dans des règles du jeu. Il faut en effet penser la relation de pouvoir comme une relation complexe dans laquelle cohabitent toujours des dimensions d'exploitation et des dimensions de coopération, des dimensions d'accord (sur au minimum la permanence souhaitable de l'échange) et de conflit (pour déplacer les termes d'échange). Se trouver du bon côté d'une relation de pouvoir, c'est-à-dire avoir les bonnes cartes en main dans une négociation, permet certes à un acteur « A» de partir avec un avantage dans la relation, mais n'autorise nullement à exploiter celui-ci sans vergogne. Pour en jouir réellement, il faut que les partenaires acceptent de continuer la négociation (la relation), ce qui ne sera le cas que s'ils y trouvent à leur tour un intérêt, c'est-à-dire si «A » accepte de répondre au moins partiellement à leurs attentes.

Cette réflexion souligne tout d'abord qu'il y a bien un intérêt commun qui sous-tend la négociation. Pour que négociation et exercice de pouvoir il puisse y avoir, il faut que les différents protagonistes soient d'accord au minimum pour valoriser le maintien de la relation et des échanges qu'elle permet. »

Erhard Friedberg Entretiens de Cerisy - 2009

Pluralité, déséquilibre et ajustement d'intérêts

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« … La négociation n'est pas que la recherche d'un accord ou d'un compromis, d'un modus vivendi…

En somme, l'accord et les « règles du jeu » résultent moins d'une entente profonde que des nécessités de l'action collective. Ils ne sont pas une fin en soi, mais un moyen pour autre chose. Ils ne mettent donc pas fin au contexte stratégique dans lequel ils prennent forme et qu'ils structurent à leur tour. La négociation n'est pas que la recherche d'un accord ou d'un compromis, d'un modus vivendi. Elle est aussi et toujours la recherche d'un avantage, c'est-à-dire d'une capacité d'influence. C'est pourquoi accords et règles restent précaires, puisqu'ils sont en permanence menacés par les tendances opportunistes des humains, c'est-à-dire des tendances à explorer les possibilités qu'ils voient émerger, et ce faisant à innover et à nourrir le changement.

Pouvoir et négociation sont les deux faces d'une même réalité. On peut imaginer des contextes d'action collective où la convergence d'intérêts s'établit spontanément, où la négociation aurait en quelque sorte plus de raisons d'être. On peut de même imaginer des situations où les échanges sont totalement équilibrés, où l'analyse des relations en termes de pouvoir n'aurait plus de raisons d'être. Mais l'observation de la réalité empirique nous oblige à reconnaître que l'un et l'autre cas sont des cas extrêmes, très rares et surtout guère durables, et que la dure réalité des rapports inégalitaires et d'intérêts divergents reprend vite ses droits. Il n'y a, à mon sens, pas lieu de s'en lamenter. La vie n'est pas dans la fusion des identités et dans les équilibres statiques, elle est dans la pluralité, le déséquilibre et l'ajustement d'intérêts qui nous oblige à l'ouverture et à la confrontation à autrui, source d'enrichissement des identités primaires et des intelligences limitées de chacun. »

Erhard Friedberg Entretiens de Cerisy - 2009

Une négociation réussie

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« Une négociation réussie se caractérise par :

* un accord optimisé et applicable,

* une relation renforcée entre les parties,

* l'absence de ressentiments et de rancœurs,

* une satisfaction partagée,

* l'envie de traiter à nouveau ensemble,

* un résultat meilleur que le coût de la rupture. »

Michel Ghazal

On ne naît pas bon négociateur, on le devient…

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« … Dans la vie privée et professionnelle, la négociation occupe une place de choix et prend des formes très diverses. Comment apprend-on à négocier?

Existe-t-il une part de talent naturel chez les négociateurs ?

Certes, parce qu'elle est une activité profondément humaine, la négociation repose sur des qualités interpersonnelles dont nous sommes plus ou moins bien dotés. Le fait d'être à l'aise dans la relation aux autres, la capacité à maîtriser ses émotions et à comprendre celles d'autrui, la rapidité à saisir une opportunité sont autant d'atouts. Mais la part de talent "inné" me semble minoritaire — et de plus en plus minoritaire à mesure que s'élèvent le niveau et l'enjeu des négociations. D'une part, ces qualités interpersonnelles peuvent s'améliorer par un travail sur soi. Prendre conscience de l'importance de l'écoute, par exemple, et en travailler les techniques donnent de bons résultats. Idem pour la confiance en soi. D'autre part, et surtout, la négociation se fonde sur un ensemble d'outils, de processus et de méthodes, éclairés par la recherche et validés par l'expérience, qui peuvent être appris.

La phase de préparation est-elle la clé de la réussite ?

Une négociation réussie s'appuie sur plusieurs aspects : savoir se préparer, mais aussi construire une séquence de négociation dans le temps, maîtriser les techniques de création et de répartition de valeur, gérer l'échange d'informations, se protéger des principaux biais psychologiques, structurer une équipe de négociateurs, relever le défi d'une négociation multilatérale et des coalitions qui s'y nouent. Il s'agit d’enjeux pour lesquels des méthodes éprouvées existent, peuvent être apprises puis mises en pratique.

Quels réflexes vous paraissent les plus contre-productifs ?

La plupart d'entre eux participent d'une même erreur : se focaliser sur l'évident au point d'en oublier l'essentiel. En voici un exemple simple : il est évident que le négociateur doit parler, s'exprimer pour convaincre. Mais le négociateur qui vire au moulin à paroles est sûr d'échouer. L'essentiel est d'abord d'écouter : obtenir de l'information — qui vaut de l'or en négociation, pour surmonter les asymétries, témoigner de l'égard et consolider la relation, et enfin poser un précédent : « je vous ai écouté, et je vous le démontre en reformulant ma compréhension de ce que vous avez dit, à mon tour à présent ». Cette phase d'écoute avant la prise de parole donne les moyens de présenter au mieux ce que l'on s'apprête à dire, précisément pour être le plus convaincant possible, d'ajuster au mieux le point d'ancrage… De même, le fait de se ruer sur le gâteau pour se le partager, avant de tenter de l'agrandir en créant de la valeur. Ou bien de parler du fond sans avoir au préalable prévu un processus et des règles de travail.

La négociation peut parfois basculer dans une forme de manipulation. Quelles sont les précautions à prendre pour éviter cette dérive ?

N'oublions pas que la négociation est un processus qui vise un accord mutuellement satisfaisant. Cela suppose de réunir deux conditions : d'une part, que cet accord soit efficace, c'est-à-dire qu'il génère un contenu auquel ni l'un ni l'autre des négociateurs n'aurait, seul, accès ; d'autre part, que la répartition de ce contenu soit équitable pour chacun. Si l'accord est perçu comme efficace et équitable, il a toutes les chances d'être durable, troisième caractère d'une négociation réussie. Équité ne veut pas dire égalité : iI peut y avoir un grand gagnant et un plus petit gagnant. Mais chacun doit s'y retrouver, par rapport à la situation qu'il connaîtrait en l'absence d'accord négocié. Reste que cette équité n'est que perçue : des asymétries d'informations et des biais peuvent fausser la perception du négociateur, à son détriment. De plus, ces biais peuvent être induits par l'autre négociateur — là commence la manipulation. La plupart des techniques "brutales" de marchandage s'appuient sur un ou plusieurs de ces biais cognitifs. »

Aurélien COLSON

Vous négociez en permanence

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« … Quelle que soit votre situation professionnelle ou personnelle, vous êtes de plus en plus confrontés à des situations où il est nécessaire de négocier pour trouver une solution acceptable.

Au sein de l'entreprise, des désaccords peuvent survenir quant à l'organisation du travail, l'allocation des budgets, la rémunération, les orientations ou les objectifs à atteindre. Vous négociez au niveau hiérarchique avec votre patron ou vos collaborateurs ; en inter-services. Une partie de la réponse à votre problème est entre les mains de votre collègue et il s'agit de concilier vos contraintes avec les siennes ; de même sur le plan social, le passage en force, s'il existe encore, fait de moins en moins recette. En dehors de l'entreprise, les occasions de négocier se multiplient dans tous les domaines. Des alliances stratégiques se négocient entre les concurrents les plus coriaces. Des relations de partenariat se nouent avec des fournisseurs pour développer des produits plus compétitifs. Des représentants de l'environnement limitent par leurs interventions votre champ d'action.

Dans toutes ces situations, vous arrivez avec votre solution et vos interlocuteurs vous opposent la leur. Vous manquez de moyens et vous réclamez davantage tandis que leur objectif est précisément de limiter, voire de refuser vos demandes. Vous vous retrouvez dans une guerre de position conduisant directement à l'impasse ou l'escalade. Dans certaines circonstances, vous n'entrevoyez qu'une issue : céder. Parfois, vous préférez abandonner ce que vous vivez comme un combat perdu d'avance. Enfin, il vous arrive de vous sentir manipulé mais vous ne voyez pas comment gérer ce rapport de force et ces approches déloyales

Même si vous ne pensez pas explicitement à la négociation, vous y entrez et vous en sortez sans vous en rendre compte : elle est là, omniprésente. Or, il importe d'en prendre conscience pour systématiser votre approche. Ceci peut améliorer, d'une façon drastique, votre performance et, ainsi, vos résultats.

A l'évidence, si l'on veut continuer à exister il faut apprendre à coopérer même avec les adversaires. Chacun aura à son niveau des interlocuteurs privilégiés avec qui les divergences et les querelles seront immanquables. Gérer les conflits qui en résultent, ne veut pas dire gommer les différences. »

Michel GHAZAL