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De l’allongement de la vie...

le .

PA - Vous écrivez que l’espérance de vie a augmenté de 25 ans au vingtième siècle. La richesse produite a été multipliée par dix et le temps disponible hors travail et sommeil multiplié par quatre. Soit autant sur le siècle dernier qu’entre l’an 1000 et 1900.
Comment analysez-vous le fait que nous n’ayons pas une conscience plus vive de ces transformations ? Comment se fait-il qu’il y ait si peu de débats sur ces transformations de fond qu’il conviendrait de mieux anticiper et d’accompagner ?

J.Viard - D’un côté, il y a de vraies données objectives qui, en tendance, devraient nous amener à une vision heureuse et libre de la vie. De l’autre :
fatalité, lourdeur, inertie plombent nos manières de voir et occultent les
progrès considérables que nous avons connus au cours du XXème siècle.
Au fond l’allongement de la vie a été un effet non prévu de la modernité et n’a jamais été un projet politique ou de société. On ne sait pas très bien quoi en dire, quoi raconter sur l’espérance de vie et encore moins l’intégrer dans un récit commun. La question du récit est une donnée fondamentale qui n’est ni mise en contradiction, ni en débat, avec une absence totale de revendications. En France, on a l’idée qu’on protège l’individu avec des droits et des règles mais on a occulté notre représentation du temps, de la vie et des usages plus libres, plus affectifs que nous en faisons sur une durée plus longue. En Europe, on travaille au mieux 70.000 heures sur des vies de 700.000 heures. Du coup les liens privés, interpersonnels, affectifs ont pris le pas sur les liens sociaux issus de la sphère du travail.

C’est sans doute le changement majeur. On n’en parle pas encore, mais la société va faire de la longue vie, un projet dont il faudra écrire le récit, au-delà des questions de charges et de coûts qui s’imposent aux dirigeants avec la question des retraites, de la Sécurité Sociale, de la dépendance, de la maladie d’Alzheimer…

Le désir d’avoir du temps pour soi et de choisir un mode de vie autre, se réalise pleinement à cette période de la vie. On voit des retraités heureux qui entament une nouvelle jeunesse. Ils ont une vingtaine d’années devant eux sans plus de risque pour leur santé que durant la période précédente entre 40 et 60 ans. Ils ne connaissent, ni angoisse du revenu, ni risque de chômage. Ils sont actifs, sportifs, ils voyagent à l’étranger et sur internet. Ils représentent un groupe structurant pour la société, se mettent au service des autres. Ils sont élus locaux, bénévoles, responsables associatifs, dirigeants
de coopératives agricoles… Et contrairement à autrefois, on compte chez les seniors, plus de femmes que d’hommes. Ça, on n’arrive pas à le raconter ! On n’arrive pas à dire que le déploiement heureux de la vie est le but à rechercher de toute société ; pas seulement dans la dernière étape mais à
tous les âges de la vie. Dès lors la question essentielle de notre société est de savoir qui choisit et qui subit ? Cette interrogation déborde les cadres classiques du politique, des rapports sociaux issus du travail et des classes d'âge.