"D'une poupée gonflable du capital" selon Michel ONFRAY, de la "servitude maastrichtienne" (E. TODD), du "progressisme béat" (Alain FINKIELKRAUT), du "couron-nement de l'Amérique" (Régis DEBRAY). Selon le philoso-phe Marcel GAUCHET, le nouveau Président de la République est "le premier vrai libéral". Mais en France, "pays de l'antilibéralisme spontané" selon la formule du politologue Egra SULEIMAN, l'étiquette demeure infamante.
"C'est un de ces hommes politiques qui se nourrissent d'une situation, d'une conjoncture bien plus qu'ils ne la créent... Il réussit à allier l'atout d'une extrême jeunesse avec une posture gaullienne... Il ne s'inscrit dans aucune tradition politique... Il se nourrit du sectarisme des autres... En l'état actuel des choses MACRON serait plutôt un Jean LECANUET qui aurait coiffé le képi du Général... MACRON a pour lui la pente libérale du monde mais qu'a-t-il à dire sur la stratégie, la diplomatie ?".
Le Président y est interviewé par Pierre NORA (historien) et Marcel GAUCHET (philo-sophe). On y lit notamment certaines réponses qui semblent structurer la pensée et l'action politiques du Président. Exemples : "La gauche est toujours belle dans l'opposition... Le clivage gauche-droite reste fondateur de la démocratie... La gauche de gouvernement devient suspecte dès qu'elle accède aux responsabilités... Aujourd'hui c'est l'idée même d'exercer le pouvoir qui est contestée. Si être social-démocrate c'est accepter le compromis, je suis social-démocrate... Une autre société, une autre Europe, un autre monde sont possibles mais il faudra du temps beaucoup de temps...".
"Nous sommes sortis du cadre classique de nos réflexions qui était l'histoire européenne et occidentale. Désormais l'histoire est globale... Aujourd'hui nous avons une révolution à la fois capitaliste, politique, sociale, anthropo-logique... Tous les paramètres de la vie collective sont affectés en même temps... Aujourd'hui le sentiment de l'obligation envers autrui est devenu optionnel. La compassion se décide ou non, comme on peut choisir d'être impoli ou poli... Dans le fond nous assistons à un retour de la politique. Les peuples veulent reprendre le contrôle du cours des choses, reconquérir la maîtrise de leur destin et retrouver l'incertitude entre les êtres... Quant aux réseaux sociaux, ils sont le paradigme du rapport social tel que les individus le rêvent".
Tel est le constat que fait le philosophe Marcel GAUCHET qui ajoute que "TRUMP annonce une nouvelle révolution conservatrice en Occident" en soulignant aussi que "la vie démocratique a perdu toute respectabilité : des propos de bistrot déversés sur les réseaux sociaux peuvent désormais permettre à un homme politique de remporter une élection majeure". Pour M. GAUCHET "l'espace du pluralisme vrai, c'est-à-dire de la confrontation contradictoire à des réalités admises de part et d'autre, rétrécit dans nos sociétés. Le vrai danger est là".
A propos du livre de R. SIMONE ("Le monstre doux") le philosophe nous fait remarquer que l'auteur (SIMONE) souligne "l'emprise croissante de la vision libérale du télé-consommateur hédoniste, pour lequel les causes collectives ne veulent plus dire grand chose". Il conclut en affirmant que "nous sommes engagés dans un cycle de recomposition politique dont nous ne voyons que les prémices".
"La situation de l'Europe comporte des potentialités formidables. Elle paie en fait et très cher son avancée civilisationnelle. Elle s'appuie sur un acquis historique majeur. Elle est forte de la continuité d'une Histoire dont l'élan la porte malgré tout. Elle possède un niveau incom-parable de richesse et de culture. Le drame est qu'elle est incapable pour le moment de se servir de ses atouts".
Pour le philosophe "E. MACRON est le premier vrai libéral, au sens philosophique du terme, à surgir sur la scène politique française depuis très longtemps... Le projet MACRON est sous-tendu par le principe d'équité préféré à celui d'égalité... le principe d'équité consiste à donner plus à ceux qui ont le moins".
Le philosophe et historien estime que "MACRON a la vocation gaullienne de l'homme qui pense qu'il a un rôle à jouer dans le pays. Il faut une dose de narcissisme pour penser qu'on peut débloquer la société, un orgueil démesuré pour s'imaginer représenter le destin d'une collectivité hors de sa personne privée. Mais son ambition n'est pas vulgaire parce qu'il a les armes intellectuelles et une vision juste et pertinente de la société. C'est la première fois dans ce pays qu'un individu est capable d'entraîner derrière lui une foule de gens venant de partout, depuis ce mystérieux sentiment qui a fait que les gens sont allés à Londres en 1940".
Les réseaux sociaux entraînent une situation "où nous sommes devant une toute puissance de chacun dans la relation avec autrui qui n'a jamais existé dans l'histoire... C'est l'union du contrat, de l'option et de l'individuel, tout en ayant la certitude de la socialisation".