PA98Des phalanstères... au coworking, de l'intelligence collective... à l'économie collaborative, Autant d'émergences sur le territoire, dans une intention partagée pour un "agir créatif " revisité.

Le flamenco, un chant métissé !

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« … J’aime quand même votre idée d'hybride. Je dirais que si nous avons affaire à des cultures très originales, nous voyons que l'origine de ces cultures sont elles-mêmes le fruit de rencontres. Le phénomène de la rencontre crée donc du nouveau, une émergence nouvelle. Une culture doit à la fois s’ouvrir et se fermer. Se fermer dans le sens où elle doit maintenir sa structure, son identité - parce que l’ouverture totale est la décomposition. Mais s’ouvrir reste la seule façon de s’enrichir, c’est-à-dire intégrer du nouveau sans se laisser se désintégrer. Prenons un exemple musical auquel je tiens beaucoup, le flamenco. Ce chant me semblait le plus pur et le plus authentique qui soit… En vérité, il a des sources indiennes, ibères, arabes, juives. C'est justement cela qui a permis que se crée quelque chose d’original - qui est en plus le message chanté du peuple gitan. Bien entendu, le flamenco risquait de se dissoudre, mais s'il a ressuscité aujourd'hui, c’est parce que quelques-uns ont voulu le garder. On voit bien qu’une culture peut très bien se diversifier, que le métissage est créateur d'une nouvelle identité… »

Edgar Morin « Dialogue sur la nature humaine » (Ed. de l’Aube)

L'ADER... le groupe comme ressource

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« Revisiter, refonder l’idée coopérative parce que demain il faudra atteindre le nécessaire et ne pas se contenter du possible.

Mais au fait l’idée coopérative est-elle actuelle ou s’agit-il d’un avatar tout droit sorti des lumières, expérimenté sur le XXème siècle.

Entendons-nous bien, l’idée coopérative ne s’impose pas de première évidence.

Tant qu’il s’agissait d’aplatir de l’acier ou de monter des terrils l’organisation verticale du monde du travail a très bien convenu et Taylor a pu développer ses théories et les démontrer avec succès.

Il est temps de se rappeler que nous sommes passés à un siècle où la majorité de l’économie s’active à la production de services dans un monde globalisé et concurrentiel… Les forces requises le sont autour de l’intelligence et de la créativité en synergie. Or ces notions cohabitent difficilement avec des formes d’organisation verticales, incapables de les sécréter ou de les encourager…

Peut être allons-nous vivre tranquillement retranchés derrière les appellations conquises de haute lutte par nos pères et à l’abri desquelles nous pourrons prospérer… Il faudra sans cesse réinventer, se repositionner, et surtout créer, construire, acheter de la lisibilité sur nos produits, et ce, à l’échelle mondiale ! Qui va faire ça ? Les entreprises ? Mais tout le monde ne s’appelle pas Coca-Cola ! Les territoires ? Tout le monde fera donc ce qu’il lui est possible de faire… Or il faudra plus. Un plus atteignable par des formes vraiment nouvelles et imaginatives de coordinations à élaborer et concevoir…

Nous avons tous spontanément tendance à vouloir apprivoiser l’idéal, donc à bien nous entendre avec l’idée coopérative et ce qui lui est soutendu : une expression du talent de chacun, un champ des possibles élargi, une certaine idée du partage (travail, difficultés, gratifications). Beaucoup aurons une attirance pour le travail à plusieurs, la tendance à faire avec ses confrères ou partenaires…

Mais la nature humaine est complexe.

Sommes-nous prêts à fournir l’effort, à avoir la tolérance et l’ouverture à la collaboration  que ce projet nécessite ? Ou attendons-nous des fruits sans conscience de l’investissement nécessaire ! L’individu hésitera longtemps entre la subordination à l’autorité qu’il peut affronter franchement et les concessions nécessaires à une collégialité où le retour s’avère parfois cinglant !

La dimension coopérative ne peut être construite que par des hommes et des femmes ayant cultivé leur libre arbitre, continuant de cultiver leur liberté ; conscients des limites qu’ils ne peuvent franchir sans s’agréger, fondamentalement tournés vers les autres.

L’idée coopérative… avec la responsabilité et l’engagement pour fondements.

Pour toutes ces raisons nous avons besoin de penser que la dimension coopérative est un devenir à explorer et à construire parce que nous avons besoin, pour notre propre épanouissement et pour la construction des territoires, de structures où l’efficacité et la justice pourront s’exprimer…

En 2005, l’ADER a choisi l’option volontariste combinant efficacité et solidarité en se transformant en SCIC avec ses dispositifs solidaristes associés. Cette idée coopérative chemine avec quelques difficultés et de belles réussites, mais une chose semble incontestable : nous avons choisi de nous ancrer définitivement avec nos associés actionnaires et nos partenaires au pays de l’homme debout. »

François Actionnaire SCIC ADER

Favi, l'utopie de l'entreprise

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« … Une entreprise où chacun est presque son propre patron : telle est l’utopie de l’entreprise Favi (*) ! De brèves histoires nous font découvrir un management original laissant une large place à l’initiative et à la responsabilité des employés, répartis en « mini-usines » quasiment indépendantes. Il est heureux de découvrir que cela permet à chacun de donner la pleine mesure de son génie personnel… et que l’entreprise y gagne en productivité, en réactivité et en progrès continu ! La clé de cette vision. L'homme est bon : une bienveillance libérant la créativité et le goût du travail. Nul besoin de surveillance, ce qui permet d’éliminer presque toutes les structures centrales. Nous est également présentée une belle figure de manager, à l’image d’un entraîneur au service de son équipe, n’ayant pas besoin de zones de pouvoir pour se rassurer sur son propre statut de chef. Est-ce suffisant cependant pour en faire la figure d'un management « judéo—chrétien » ?  Loin de l’effacement, c’est bien le patron qui donne la direction, faisant la pluie et le beau temps, y compris par des manipulations bienveillantes, selon une vision de la société qui transparaît au cours des pages. D’où, parfois, un ton de donneur de leçons ou de critique. Pourquoi l’auteur n’éprouve-t-il pas la même bienveillance à l’égard de l’administration française qu’à l’égard de ses employés ? Reste ouverte la question : le modèle est-il transposable à d’autres entreprises ? » Marc Dehaudt « Revue Projet » - 2014

(*) FAVI est une PME française spécialisée dans les pièces pour l’automobile

A la campagne... Réinventer des liens

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«  … La question aujourd'hui est de savoir comment, une fois que l’on a cette société collaborative, avec tout ce que cela produit de richesses, d'innovation, on recrée du commun. Comment on recrée des moments où les gens sont ensemble physiquement, où ils partagent physiquement une émotion.

… Cela change l'organisation de la société. C'est ceci qu'il faut bien raconter : que la structure des sociétés change à toute vitesse. Les lieux, les villages, les forêts, les rivières sont toujours là mais nous, nous n’avons plus le même rapport et le même lien. Avant, on avait des liens essentiellement par le religieux. Le religieux, c'était l'idée d'être ensemble le dimanche matin à la même heure, pour les catholiques. Dans le monde entier, les chrétiens, les juifs, les musulmans faisaient leurs prières aux mêmes heures, aux mêmes jours prescrits par leurs religions respectives. On appartenait à un collectif de gens partout sur la planète, que l'on ne connaissait pas mais on savait que l'on priait tous en même temps, comme si l'on était ensemble en quelque sorte.

  Nous, nous ne sommes plus dans ce type de liens. Nous avons des liens beaucoup plus virtuels et il faut que nous réinventions des liens interpersonnels. »

Jean Viard « C’est quoi la campagne ? » (Ed. de l’Aube)

Le territoire et l'intelligence collective

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« … Que peut faire une communauté sur un territoire, et surtout qu'est-ce que le numérique lui apporte ?

Au début des années 2000, les internautes s'échangeaient de l’information, et rien de plus. Ce fut l’essor de TripAdvisor, ou bien du forum Voyages. Mais très vite, l'information n'est plus suffisante, car elle ne véhicule pas suffisamment la confiance. Arriva alors la révolution Airbnb : parce que le site fait plus que mettre en relation et qu'il assure tout le processus en bac office, et ce de manière innovante, alors il restaure la confiance : celui qui a commenté dans Airbnb a vraiment dormi chez la personne.

Mais un autre signal faible est en train d'émerger : le financement participatif (crowdfunding en anglais) en local, autrement dit la capacité pour un projet de trouver du financement non pas d'une banque, encore moins de l'Etat, mais de la communauté. Il est fréquent de trouver sur des plates-formes comme KissKissBankBank, Hello Merci, MiiMOSA ou bien Bulb in Town (plate-forme spécialisée sur le local) des projets de création de commerce de proximité, ou même de création de nouveaux produits agricoles, par exemple une nouvelle bière.

Airbnb, KissKissBankBank ou Bulb in Town sont des plates-formes qui amplifient l'énergie mise par les communautés. Les projets qui échouent à trouver leur financement portent souvent la marque d'un manque de punch du créateur du projet. Les territoires dynamiques trouveront dans ces plates-formes un outil extraordinaire de développement. Ce sera le plus puissant basculement de la démocratie représentative à la démocratie participative.

… Pierre Teilhard de Chardin écrivait en 1922 qu’au-delà de l’atmosphère, de la géosphère et de la biosphère viendrait la noosphère, la sphère des idées interconnectées. La Renaissance numérique que nous sommes en train de vivre, avec tout ce qu’elle comporte de difficultés, de luttes pour le modernisme face aux nombreuses résistances de l’ordre ancien, est l’opportunité de réaliser cette utopie.

Le territoire, parce qu’il est support des conflits, parce qu’il est enjeu d’information, parce qu’il est expression de la communauté, et parce qu’il est objet d’innovation, nous permet de changer notre regard au monde et de le voir sous l’angle de l’intelligence collective, seule approche qui nous permettra de résoudre tous les graves problèmes que notre génération laisse aux futures. Le numérique est son ami. »

Serge Soudoplatoff « Des territoires à penser » (Ed. de l’Aube)